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Franck Nicolas, l'interview la conque

07/10/2011

 

 

La conque est peut-tre tout ce qu'il reste des premiers habitants des Carabes. Rapidement dcims par les maladies qu'avaient apportes les Europens, puis par les mauvais traitements subis, ces peuples, comme les Tanos et les Kalinas, n'ont gure laiss de trace. Pourtant, pour le Portoricain William Cepeda, ces coquillages consituent sa "racine tano". Il nous a expliqu que nombre de ses concitoyens, surtout dans sa rgion natale de Loiza, l'un des sanctuaires des musiques traditionnelles sur l'le, conservent des conques chez eux.

Le guadeloupen Franck Nicolas est lui aussi un pote des coquillages. Entretien avec un musicien qui rinvente le gwoka en lui instillant la suavit du jazz ...

 

 

Vous tes l'inventeur du Jazz-Ka, subtil mlange "100% jazz, 100% gwo ka". En tant que jazzman, diriez-vous que le gwo ka est en quelque sorte le blues de la Guadeloupe?



Frank Nicolas: Oui, il est mme plus que le blues, il est lՉme de la Guadeloupe, il est son cur, qui bat tous les jours dans tous les vnements de la socit: mariage, enterrement, ftes, revendications syndicalesetc




Quel rle musical et symbolique jouent les tambours dans la musique gwo ka ?



Frank Nicolas: Dans la musique gwo ka, il y a le tambour boula, qui excute un rythme rgulier (en langage moderne, on dira que cest celui qui groove) et puis il y a le tambour markeur , qui excute des solos, son rle est daccompagner et de souligner les pas du danseur ( ancienne tradition africaine ). Le tambour est lemblme de lՎmancipation , car au temps de labolition les esclaves jouaient toute la nuit avant de se rvolter au petit matin Les rythmes ont tous une signification, comme le Lwoz qui semble tre un rythme guerrier ou le mend qui symbolise la libert. Il faut savoir que le mot ka vient du mot quart, qui tait le plus petit bidon de salaison Les esclaves en ont fait un tambour avec la peau de chiens Ce sont ces mme chiens quon envoyait aprs les negs mawons ( les esclaves en fuite ).

  

 



Vous avez enregistr un album New-York ("Jazz ka philosophy", en 2002), la Grosse Pomme vous paraissait-elle un passage oblig pour la musique que vous reprsentez?



Frank Nicolas: Pour moi cՎtait tout un symbole damener le ka dans le pays du jazz (les USA), cՎtait comme runir 2 frres qui ont t jadis spars sur le bateau qui les emmenait sur les terres du nouveau monde Ce fut une dmarche philosophique et une vritable exprience artistique, car je ne savais pas si la fusion de ces deux musiques allait aboutir Et puis on a eu de la chance. Pour le plus grand plaisir de nos oreilles, le jour de lenregistrement New York, nous avons assist la naissance dune nouvelle musique Lalchimie avait pris, ce fut une vive motion, peut tre semblable celle des chercheurs dor quand ils trouvent une grosse ppite ou le filon. Mais je prcise que le jazz ka nest autre que lՎvolution logique du gwo Ka moderne, dont les deux matres sont Grard Lockel et Kaf Edouard Ignol (mon mentor).

 



Vous vous produisez prochainement dans le cadre du festival Vibrations Carabes, qui se dfinit comme "trans-ocanique". Ce terme semble vous convenir merveille. Le fait d'y participer revt-il une saveur particulire pour vous?



Frank Nicolas: Oui, cest loccasion de faire connatre mon travail artistique avec le jazz ka, et puis aussi de reprsenter les couleurs de la Guadeloupe avec les konks Lamby de St Flix Gosier. Je pense que a sera intressant de comparer les diffrents sons et les recherches artistiques qui sont faites par les Portoricains ou les Martiniquais dans le domaine de la conque marine Je pense quon a tous une philosophie diffrente, et ce festival va permettre de nous rencontrer et dՎchanger, a cest gnial !!!

 

 



Justement, l'emblme du festival cette anne est la conque Lambi, cela vous dfinit l encore. Comment tes-vous venu la pratique de cet instrument peu commun?

 

Frank Nicolas: Pour ma part, avoir t amen vouloir faire des expriences avec les coquillages de Guadeloupe, fait partie dun processus de ralisation artistique personnel. Suite mon premier enregistrement New York en 1999, javais laiss traner mes oreilles dans les clubs de jazz et jai dfinitivement compris que le jazz tait la musique des Amricains, il fallait donc que je trouve ma voie, se fut celle du jazz ka. Dans ma qute de mes propres racines, aprs avoir fait mes expriences avec le tambour ka, jai t naturellement conduit vers la conque de Guadeloupe (anctre de la trompette). Le fait de souffler dans la carcasse dun animal dfunt et den tirer des sons aquatiques originaux et uniques me donne limpression de pouvoir communiquer avec mes anctres esclaves et avec les premiers habitants de Karukra ( la Guadeloupe ) : les Arawaks et les Carabes Je suis convaincu que la conque peut offrir dautres horizons musicaux encore inexplors. Aprs lalbum Kokiyaj, qui vient de sortir jenregistre le mois prochain , un nouvel opus en trio avec Michel Alibo la basse et Sonny Troup au ka et la batterie. Je vais explorer dautres faons dutiliser les coquillages, notament avec des effets style distortion, whawhaetc. La conque, instrument bio , peut tre galement lctrique

 

 

 

Propos recueillis par Irne Ranson